« On est passé de faire carrière à réussir sa vie et de réussir sa vie à prendre soin de soi » (Jérémie Peltier, Fondation Jean-Jaurès)

T La Revue n°9

Jérémie Peltier est directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès, auteur de "La fête est finie ?" aux éditions de L’Observatoire (octobre 2021) et directeur de collection aux éditions de L’Aube. Attentif aux transformations sociétales de notre époque, il en décrypte les signes qui forgeront la société de demain. Pour La Tribune, il s’interroge sur la notion de « faire carrière » et le déclassement de ce marqueur social. (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune - N°9 "Travailler, est-ce bien raisonnable?", actuellement en kiosque)

Publié le 07-05-2022 par Propos recueillis par Valérie Abrial

Dans une époque où le sens du mot « travail » est en pleine redéfinition, où la sphère privée prend le pas sur la sphère professionnelle, qu'est-ce que « faire carrière » signifie aujourd'hui ?

Jérémie Peltier La notion même de « faire carrière » est sans doute l'un des éléments qui a le plus changé ces dix dernières années. Cela concerne la jeune génération, bien sûr, mais pas seulement. Cette transformation touche l'ensemble de la population. On disait « faire carrière », car le plus souvent nous étions identifiés à notre travail. Notre statut social en dépendait. Il suffit d'observer un groupe de personnes qui se rencontrent pour la première fois et la question qui est classiquement posée c'est : « Et vous, que faites-vous dans la vie ? » Entendons par là : « Que faites-vous comme métier ? » Mais désormais, je crois que le hors-travail structure le travail. C'est-à-dire que le temps libre est en train de devenir un marqueur social. C'est une tendance qui existait déjà avant la crise et qui s'est accélérée depuis. Aujourd'hui, nous sommes identifiés par rapport à nos loisirs, notre lieu d'habitation, bien plus que par rapport à notre travail. Et effectivement la notion de « faire carrière » n'a plus le sens aussi puissant qu'on lui prêtait. Un autre élément entre en jeu également, c'est la défiance de la jeune génération vis-à-vis des grands groupes. C'est une tendance que nous avons vue poindre déjà avant la crise : les jeunes de la dernière génération multiplient les expé

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