Nassim N. Taleb : "C'est grâce au genre de folie individuelle qu'est un entrepreneur qu'une société fonctionne"

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GRAND ENTRETIEN. Dans "Jouer sa peau" (éd. Les Belles Lettres), son dernier livre, l'auteur du "Cygne noir" prolonge ses réflexions contenues dans "Antifragile". Traquant les "asymétries cachées dans notre vie quotidienne", Nassim Nicholas Taleb mêle comme à son habitude réflexions tirées de la vie quotidienne, considérations historiques et érudites, jugements polémiques, pour répondre à la question : comment s'orienter dans un monde où ceux qui prennent les risques n'en assument pas les conséquences?

Publié le 24-01-2018 par Propos recueillis par Robert Jules

LA TRIBUNE - Votre nouveau livre, « Jouer sa peau », a une dimension éthique plus affirmée que les précédents ?

NASSIM NICHOLAS TALEB - Oui, c'est ce que suggère la couverture, c'est l'emballage ! Mais le thème central dont je traite c'est l'asymétrie qui occupait déjà une place importante dans « Antifragile », mon précédent livre. Au fil de mon travail, je me suis aperçu que tout est fondé sur cette notion, en particulier l'éthique. Par exemple, si je gagne davantage que je ne perds, cela pose un problème d'asymétrie. Regardez le cas de Bob Rubin (ex-secrétaire au Trésor de Bill Clinton et ex-président de la banque Citigroup qu'il a quitté au bord de la faillite tout en empochant des dizaines de millions de dollars. NDLR), il a une option sur les gains et les bénéfices sans aucune obligation sur les pertes. Nos sociétés fonctionnent sur ces transferts de risques, ce qui pose un problème éthique, mais aussi pratique à plus long terme.

Outre l'asymétrie, la deuxième notion importante est celle d'échelle, l'asymétrie opère non seulement au niveau des individus, mais aussi des groupes, des sociétés. On doit tenir compte de cette dimension multi-scalaire. Ce qui m'a conduit à penser que la notion d'universalisme n'est que théorique. En pratique, elle est impossible à appliquer, la réalité est fractale.

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Autrement dit, celui qui prend les risques doit les assumer...

Oui, mais il faut nuancer. Lorsque le médecin soigne son patient, il attend en retour un gain matériel ou un avantag

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