La filiale gabonaise de Veolia réquisitionnée

La filiale gabonaise de Veolia réquisitionnée

La SEEG, filiale gabonaise de Veolia, a été réquisitionnée par des hommes en armes vendredi dernier sur ordre du gouvernement, qui lui reproche de ne pas remplir correctement sa mission.

Publié le 19-02-2018 par Emilie Huberth

Total mépris du droit

 

L'État gabonais a rompu vendredi soir son contrat avec la SEEG, filiale gabonaise de Veolia Environnement. Il lui reprochait de ne pas assurer correctement sa mission d'approvisionnement en eau et en électricité, en particulier à Libreville, où les coupures sont effectivement fréquentes. Le communiqué de presse gouvernemental invoque en effet comme motif la « dégradation de la qualité du service rendu aux usagers ». En juin 1997, Veolia avait remporté la concession de l'eau et de l'électricité publique pour une durée de 20 ans. En mars 2017, cette concession avait été reconduite par le gouvernement pour une durée de 5 ans supplémentaires. Le gouvernement gabonais a donc, en premier lieu, rompu un contrat au mépris du plus élémentaire respect du droit, mais il n'en est pas, dans ce domaine, à son coup d'essai.

En revanche, la véritable nouveauté consiste en la réquisition pure et simple, et par les armes, de la SEEG, dont Veolia est l'actionnaire majoritaire. En effet, comme l'indique le communiqué de presse du géant des services à l'environnement, « des hommes en armes ont réquisitionné la SEEG - Société d'énergie et d'eau du Gabon, sur décision du ministère de l'Eau et de l'Énergie du Gabon ».

Veolia Environnement, pour l'instant, proteste vigoureusement contre cette réquisition et, s'estimant « aujourd'hui victime d'une expropriation brutale de la part de l'État gabonais, Veolia examine les conséquences juridiques de cette situation et attend du Gabon qu'il se conforme aux règles de droit et à ses engagements ». 


Des contentieux financiers

 

Cette décision du gouvernement gabonais est surprenante par certains aspects, mais aussi symptomatique de la propension du régime d'Ali Bongo Ondimba à se décharger sur autrui de ses propres turpitudes. En l'occurrence, s'il est exact que la population de Libreville est souvent confrontée à des coupures d'eau, il serait opportun de déterminer si la responsabilité de cette situation incombe véritablement à la SEEG et à Veolia. À Libreville, comme ailleurs dans le pays, le gouvernement laisse tout aller à vau-l'eau et laisse l'urbanisation se développer de façon totalement anarchique. Les maisons poussent partout et à un rythme effréné, de sorte que de nouveaux quartiers ne cessent de se développer, sans même parfois que les habitants puissent se prévaloir d'un accès à l'eau, ni à l'électricité, ni même de véritables voies d'accès carrossables.

L'insuffisance des investissements en matière de création d'infrastructures permettant de soutenir la production d'eau potable ou d'électricité est criante et a déjà souvent, par le passé, été source de tensions entre la SEEG et le gouvernement. D'ailleurs, Veolia Environnement a pris soin de rappeler qu'elle est « l'un des plus grands employeurs et investisseurs étrangers au Gabon (366 milliards FCFA, environ 558 millions d'euros depuis 1997) ».

Par ailleurs, la SEEG et l'État avaient de sérieux sujets de divergence financière : l'État gabonais avait une dette importante à l'égard de la SEEG, qui, en rétorsion, ne lui reversait plus les redevances qu'elle lui devait de son côté. À n'en pas douter, c'est ce point précis qui constitue le noeud du problème, que le ministre des Eaux et Forêts a dissimulé sous le voile des mécontentements populaires.


Une prise en main bien orchestrée

 

Depuis quelques jours, en effet, une agitation de rue savamment menée par l'Organisation gabonaise des consommateurs d'Ibrahim Tsendjiet Mboulou mettait la pression sur la SEEG. Comme d'habitude, il s'agissait de protester contre les coupures d'eau ou d'électricité, le prix des factures, etc. De son côté, Brice Laccruche Alihanga, le directeur de cabinet d'Ali Bongo Ondimba, avait soutenu ces manifestations et mis en garde la SEEG. Tout avait donc été fait pour préparer l'opinion publique à ce coup de tonnerre, en attisant chez elle un vif ressentiment contre Veolia, permettant de justifier sans souci la réquisition qui allait s'effectuer en violation du droit.

Dans la foulée, c'est-à-dire durant ce week-end, l'État gabonais a pris un arrêté mettant en place une nouvelle équipe dirigeante, composée d'anciens responsables de l'entreprise et menée par Marcellin Massala Akendengue, ancien conseiller du ministre de l'Énergie et des Ressources hydrauliques, et donc un des premiers artisans des tensions avec la SEEG.

Cette nouvelle équipe devra, durant 12 mois, expédier les affaires courantes, assurer la continuité du service public de l'eau et de l'électricité, et préparer une nouvelle délégation. Sur ce dernier point, il n'est pas certain que d'autres entreprises étrangères se précipitent dans le bourbier gabonais s'il est possible que cet investissement se finisse en expropriation. À moins qu'un repreneur ne soit en fait déjà sur le coup, comme le groupe singapourien d'agro-industrie Olam, qui est devenu le nouveau partenaire favori des projets du gouvernement et du Palais du bord de mer. Interrogé à ce sujet, Olam Gabon a toutefois démenti.

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