Coronavirus. Roger Guesnerie : "En route vers une 3e mondialisation ?"

Roger Guesnerie

LE MONDE D'APRES. "Voici venu, après le temps de l’optimisme sur l’avenir des économies, celui de la crainte, celui du doute. Et celui des remises en question intellectuelles". Ainsi Roger Guesnerie cerne les propriétés de ce moment historique, qui questionnent non seulement l’"Economie", coiffée d’une majuscule, mais la responsabilité de sa discipline, qu’il a enseignée notamment au Collège de France – aux commandes de la chaire "Théorie économique et organisation sociale" –, et de ses coreligionnaires. L’histoire est précieuse pour lire le présent – à défaut de prophétiser l’après –, et en l’occurrence l’auscultation des crises de 1929 et de 2008 convoque le recours à, ou plus exactement le secours de John Maynard Keynes et Milton Friedman pour commencer de soigner les plaies provoquées par la pandémie Covid-19. Forte relance budgétaire, politique fiscale appropriée, mobilisation massive des banques cen

Publié le 16-04-2020 par Denis Lafay

La Tribune : Ce moment si particulier de début de confinement, comment l'éprouvez-vous intimement, comment l'interprétez-vous intellectuellement ?

Roger Guesnerie : Même si la métaphore de la guerre, reprise par les dirigeants politiques, n'est pas nécessairement heureuse, c'est bien à un traumatisme collectif, comme l'a été la guerre pour nos ancêtres, que nous sommes confrontés. La pandémie est incontestablement un événement nouveau, dans notre histoire et dans celle de l'humanité, un événement qui porte deux sources d'inquiétude inédites.

D'une part, le coronavirus se propage à une vitesse exceptionnelle. Autrefois, si l'on en croit les historiens, les agents pathogènes mettaient un siècle à passer de la Mandchourie à Sébastopol, même si quelques jours leur suffisaient ensuite pour prendre le bateau et rallier Marseille. Arrivée à destination, l'épidémie était contenue par un confinement géographique "régional". Un confinement que nous rappelle Jean Giono dans Le hussard sur le toit, un confinement auquel nous pensons encore aujourd'hui lorsque venant du Lubéron pour découvrir le Mont Ventoux nous passons au sommet du col de la Ligne, ligne qu'il était interdit de franchir. Le coronavirus, lui, emprunte l'avion, à une époque de multiplication des voyages, des échanges. La pandémie se répand, et tous les pays du monde sont à ce jour concernés ou menacés.

D'autre part, domine le sentiment d'être confronté à un danger non prévu et quelque peu imprévisible, porté par un virus

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