Controverse chez EDF autour d'Hinckley Point

Controverse chez EDF autour d'Hinckley Point

Au sein de l'entreprise elle-même, pros et anti s'affrontent et chacun se mobilise pour soutenir ou condamner le projet de construction de nouveaux réacteurs EPR en Grande-Bretagne, sur le site d'Hinckley Point.

Publié le 08-04-2016 par Guilhem Baier

Naissance d'un débat interne

 

Alors que la direction d'EDF a différé son choix sur l'épineuse question de l'opportunité de mener à bien le chantier d'Hinckley Point, où EDF devrait piloter la construction de deux nouveaux EPR, des voix de supporters et d'opposants s'élèvent au sein du personnel, créant un véritable débat interne à l'énergéticien français.

Fin mars déjà, des ingénieurs de la DPI et de la DIN étaient montés au créneau pour affirmer leur préoccupation par rapport au bouclage financier et à la faisabilité du projet de nouveau réacteur britannique. Selon eux, en l'état actuel du projet, laisser EDF assumer la majeure partie du financement du chantier risquait de mettre l'entreprise elle-même en danger. En effet, le coût total du projet Hinckley Point est sensiblement égal à la valorisation boursière totale d'Électricité de France.

 

Les supporters sortent de l'ombre

 

Hier soir, l'Agence Reuters a dévoilé qu'un autre groupe d'ingénieurs issus de la branche nucléaire avait publié sur l'Intranet du groupe de production et de distribution d'électricité une tribune affirmant leur soutien au projet. Selon eux, le chantier d'Hinckley Point peut tout à fait être réalisé dans les temps, et n'entraîner par conséquent aucun surcoût. Ils admettent que tout chantier de grande envergure comporte des risques, mais font valoir que le savoir acquis sur les précédents chantiers, et notamment celui de l'EPR de Flamanville, leur a apporté suffisamment d'expérience pour maîtriser les aléas. Les deux réacteurs d'Hinckley Point seraient en effet les cinquième et sixième réacteurs de ce type à être construits, ce qui donne aux ingénieurs une connaissance suffisante des pièges à éviter pour livrer dans les temps. Dans leur prise de position, ils rejoignent donc Jean-Bernard Levy, le Président d'EDF, qui, lui aussi, semble convaincu de la faisabilité et de la rentabilité du projet.

 

Construire ou mourir

 

Indépendamment de ces questions factuelles sur le chantier britannique, le débat qui vient de s'ouvrir au sein d'EDF révèle le dilemme auquel le nucléaire français, et même mondial, se trouve confronté. La construction de nouvelles centrales et de nouveaux réacteurs implique des investissements faramineux que ni les énergéticiens ni l'État ne sont en mesure d'assumer. Autrefois priorité nationale financée par l'État, le nucléaire a été peu délaissé par les pouvoirs publics, et l'ouverture du capital d'EDF n'a rien arrangé. Par ailleurs, le nucléaire s'avère de plus en plus contesté et critiqué, et le chef de l'État lui-même s'est engagé à en réduire la part dans le mix énergétique français. Enfin, le secteur du nucléaire n'attire plus les jeunes ingénieurs, et devient donc peu à peu une branche en manque de sève.

Par conséquent, Hinckley Point fait office pour EDF, et toute la filière nucléaire française, d' « experimentum crucis » : si elle ne se montre pas capable de relever le défi de ce nouveau chantier, elle mourra.

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