Veolia accuse et menace le Gabon

Veolia accuse et menace le Gabon

Suite à la réquisition de sa filiale par l'État gabonais, Veolia accuse ce dernier de porter la responsabilité des dysfonctionnements et examine les suites judiciaires à donner à l'affaire.

Publié le 21-02-2018 par Guilhem Baier

Veolia prépare sa contre-attaque

 

Dans un communiqué de presse paru hier soir en Afrique, le géant mondial de l'eau et des services à l'environnement a fait savoir qu'il étudiait les « suites judiciaires » à donner à la réquisition de sa filiale gabonaise, la SEEG, par le gouvernement. Pour Veolia Environnement, la réquisition par les armes de la SEEG et sa nationalisation constituent en effet une violation manifeste du droit. Il est vrai que le gouvernement gabonais aura bien des difficultés à justifier qu'après avoir collaboré avec Veolia pendant 20 ans, puis renouvelé le contrat pour 5 ans, il ait pu, 11 mois plus tard, réquisitionner l'entreprise par la force des armes. C'est précisément sur ces bases argumentaires que le groupe français attaquera le gouvernement gabonais en justice.

Certes, le ministre de l'Eau et de l'Énergie, Patrick Eyogo Edzang, présente actuellement les choses comme si la SEEG avait quitté la table des négociations et menacé le gouvernement. Mais Veolia a depuis rétabli la vérité et indiqué avoir poursuivi les négociations et suivi les procédures prévues dans le cadre du contrat qui liait la SEEG à l'État.

En outre, cette nationalisation brutale pose des problèmes vis-à-vis des autres actionnaires de la SEEG, qui sont principalement les salariés eux-mêmes. Que valent désormais leurs actions, maintenant que la SEEG est devenue une entreprise étatique ?


Exciter l'opinion

 

Ces derniers jours, la controverse a continué, puisque Patrick Eyogo Edzang se répand dans la presse pro-Bongo pour fustiger les manquements de la SEEG à ses obligations d'investissement. Sur un fond d'hostilité à Veolia, le gouvernement agite l'opinion sur un registre purement politique. Le quotidien pro-gouvernemental l'Union dénonçait ainsi hier dans son éditorial ce « néocolonialisme économique, qu'on veut perpétuer dans nos pays pour continuer à piller nos matières premières et s'enrichir sur le dos de nos pôvres (sic) populations ».

Exciter l'opinion publique et tenter de s'en faire une alliée semble être le seul moyen de défense pour l'État gabonais. Car si l'on s'en tient aux faits, sa position semble immédiatement intenable, surtout lorsqu'il reproche à Veolia de ne pas avoir investi assez dans les réseaux d'eau potable et d'électricité. En effet, Veolia n'est concessionnaire que pour distribuer et produire, mais les moyens de production et les infrastructures adéquates dépendent, quant à eux, de l'État.


Un état défaillant

 

Or les derniers chantiers achevés remontent au tout début des années 2000 et les investissements, gelés durant la première décennie du millénaire, ont redémarré en 2010 timidement, pour s'interrompre à nouveau en 2015. Ainsi, afin que la production et la distribution d'eau et d'électricité puissent se dérouler correctement, l'état aurait dû depuis longtemps livrer les barrages des chutes de l'Impératrice et de Nkolmedjen, entamer la deuxième phase du projet de barrage de Grand Poubara et livrer l'usine d'eau potable Ntoum 8, près de Libreville. Aucune de ces infrastructures, pourtant promises par l'État gabonais au pays et à la SEEG, n'a vu le jour.

L'État gabonais joue donc la carte du patriotisme économique et de l'anticolonialisme, mais il n'a jamais rempli ses engagements lui-même. Pire, il doit actuellement à la SEEG 55 milliards de francs CFA (62 millions d'euros), autrement dit la facture de sa propre consommation.

Sur le fond du dossier, Veolia devrait avoir des arguments forts et convaincants pour l'emporter sur l'État gabonais. À condition que l'affaire soit jugée dans le cadre de l'état de droit. Devant des tribunaux gabonais, il est à craindre que la justice ne soit comme la tour de Pise et penche toujours du côté du gouvernement. Dans un état aussi gangrené par la corruption et le clientélisme que l'est le Gabon de Bongo, rien ne garantit que Veolia Environnement puisse être conforté dans son droit, car le droit n'existe que pour protéger ceux qui y échappent toujours.

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