« La crise écologique est une crise de l’action et une crise du geste » (Marie Robert)

T La Revue n°12

Depuis plus de cinq ans, la philosophe Marie Robert écrit un texte qu’elle partage sur les réseaux sociaux. À mi-chemin entre volonté de saisir l’air du temps et exercice de réflexion, cette pensée du jour est devenue un rendez-vous pour près de 150.000 personnes. À l’occasion de la parution d’Une année de philosophie (éd. Flammarion), nous l’avons interrogée sur notre rapport ambivalent à la crise climatique, autour d’une question majeure et inhérente à nos quotidiens : pourquoi, malgré la menace, attendons-nous souvent le dernier moment pour agir ? Entretien. (Cet article est extrait de T La Revue n°12 - « Climat : Et si on changeait nous aussi ? », actuellement en kiosque).

Publié le 08-01-2023 par Propos recueillis par Laurent-David Samama

La situation semble paradoxale : malgré la crise climatique qui devient de plus en plus urgente et menaçante, l'humanité agit certainement trop peu et trop lentement. Comment l'expliquez-vous ?

Marie Robert Sincèrement, je l'ignore. Mais si je devais tenter une explication et déployer une hypothèse, je rejoindrais peut-être celle, célèbre, de Hans Jonas. L'humanité n'agit pas, parce qu'au fond, elle n'a pas réellement peur. Alors certes, nous sommes abreuvés d'images de chaos, d'incendies, de fortes chaleurs, mais nous parvenons encore, aussi curieux et alarmants soient ces phénomènes, à mettre à distance nos craintes. Or, selon Jonas, pour agir, nous devons avoir peur. Le raisonnement est assez limpide. Son texte phare, Le Principe responsabilité, soutient qu'un nouvel impératif catégorique s'impose désormais à la conscience soucieuse d'avenir. « Agis de façon à ce que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur Terre » y lit-on. Fondée sur une métaphysique humaniste, la pensée de Jonas veut établir que la nature engendre l'éthique qui lui permet de se préserver, du moins si l'homme prend conscience de la crise environnementale. Et Jonas n'hésite pas pour cela à faire de la crainte une incitation à connaître, c'est ce qu'il appelle « une heuristique de la peur », une sorte de méthode utile. Sa pensée très influente sera revendiquée par les partis écologiques européens et générera l'adoption au sommet de Rio, en 1992, d

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