Télétravail : les mises en garde de Boris Cyrulnik

*Boris Cyrulnik

LE MONDE D’APRÈS. Suite du dialogue avec Boris Cyrulnik. Qui d'une part éclaire l'examen éthique de la vie, de la mort et de la santé - toutes trois à l'épreuve du dogme marchand et de la fascination pour le progrès scientifique -, d'autre part détaille les effets pervers et les nouvelles inégalités liés à ce qui, aux yeux de beaucoup, est apparu comme une panacée : le télétravail. Et le neuropsychiatre de mettre en garde les dirigeants qui, séduits par l'intérêt financier à court terme, sont tentés de généraliser le dispositif et de gérer leur entreprise "à partir des écrans".

Publié le 28-05-2020 par Denis Lafay

Nous poursuivons notre dialogue, mettant en perspective choix éthique et économique. Le philosophe Roger-Pol Droit estime que la tragédie en cours doit nous inciter à "repenser la mort, sans fascination, grandiloquence, esquive ni indifférence, après le profond déni qui a marqué notre époque". "Philosopher, c'est apprendre à mourir", aurait, selon Platon, prononcé Socrate. Plus que "d'apprendre à mourir", ne devons-nous pas "réapprendre" que nous sommes "mortels" ?

Lorsqu'on est en bonne santé, et cela quel que soit son âge, on se sent, on se voit, on se vit immortel. On ne prend conscience de sa mortalité que lorsque l'on contracte une maladie grave, et potentiellement mortelle. Une modeste fièvre, quelques frissons, une faible toux, et aussitôt la menace Covid-19 fait irruption, qui modifie radicalement notre représentation de la vie et de la mort. Tout est bouleversé, les sentiments ne sont alors plus comparables à ceux éprouvés avant, tout sujet - liens affectifs, avenir, travail, sens de l'existence, etc. - est l'objet d'interprétations inédites. Même l'appréhension des jours à venir est singulière. Face à cette "découverte" de leur propre mortalité, les individus adoptent généralement le syndrome du "glissement" : ils se laissent aller vers la mort. Une minorité va rejeter l'éventualité, et se rebeller.

La mort fait partie de la vie. L'a-t-on oublié à l'occasion d'une pandémie qui a tué ou meurtri relativement peu, un public âgé et/ou vulnérable, mais a déclenché une pa

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