"Pour la Russie se tourner vers l'Asie est devenu primordial pour sa liberté de manœuvre" (Jacques Sapir)

Jacques SAPIR

ENTRETIEN. Les nouvelles sanctions imposées à la Russie par l'Union européenne, après la découverte du charnier de Boutcha, vont accélérer la rupture avec les pays européens et le rapprochement avec l'Asie, notamment la Chine et l'Inde. Ce mouvement, qui a commencé à se concrétiser après les sanctions de 2014 en réponse à l'annexion de la Crimée, conduit à un basculement de la mondialisation, explique Jacques Sapir, directeur d'études à l'EHESS et directeur du CEMI, membre étranger de l'Académie des Sciences de Russie (*).

Publié le 07-04-2022 par Maxime Hanssen et Robert Jules

La Tribune - L'Union européenne (UE) a proposé mardi d'instaurer de nouvelles sanctions contre la Russie, notamment un embargo sur les importations de charbon russe - 4 milliards d'échange par an, 45% des importations de l'Europe -, en réponse à la découverte d'un charnier à Boutcha. Que représente cette sanction économique pour Moscou ?

Jacques Sapir - Les mesures concernant le charbon auront un impact marginal sur l'économie russe au regard de la valeur des échanges. Cela peut néanmoins poser des problèmes pour certaines mines. Pour autant, l'extraction pourrait très certainement trouver de nouveaux débouchés, notamment en Chine ou en Inde.

L'UE dit également réfléchir à l'arrêt des achats de pétrole russe, alors que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont déjà décrété un embargo. L'Inde et la Chine, justement, ont augmenté ces derniers mois leur approvisionnement en provenance de Moscou. Cette situation est-elle tenable pour la Russie ?

D'évidence oui. La façon dont les Occidentaux appliquent les sanctions sur le pétrole russe ne fonctionne pas correctement. L'Inde et la Chine prennent le relais des exportations. L'Inde a trouvé un accord qui correspond à ses intérêts : aujourd'hui New Delhi paye entre 75 et 80 dollars le baril russe - soit une réduction d'environ 20 dollars par baril - alors que le cours du brut d'Arabie Saoudite, pays vers lequel se fournit historiquement l'Inde, est autour de 100 dollars. Certes, la Russie vend moins cher, mais elle maintient des volumes.

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