Mais où sont passés les individus dans notre société dominée par les instincts grégaires?

Foule

OPINION. La société contemporaine célèbre à tout-va l'individualisme. En réalité, c'est le contraire, l'opinion est forgée par les communautarismes les plus divers favorisant l'esprit grégaire. Avec le risque que le nombre croissant de ces "Idem" chassent progressivement les "Ipsé", ces individus disruptifs, dérangeants, mais riches de leur singularité. Par Thierry Aimar, enseignant-chercheur en Sciences Economiques à l'Université de Lorraine (BETA) et à Sciences Po, membre du Conseil d'Administration de la Société d'Economie Politique (SEP). Son dernier ouvrage, "La société de la régression : le communautarisme à l'assaut de l'individu" (1) vient de paraître aux éditions de l'Aube.

Publié le 21-04-2022 par Thierry Aimar

Notre société contemporaine se caractérise par un fascinant décalage entre sa représentation d'elle-même et la réalité de ses pratiques. L'habitude a été ainsi prise de dénoncer l'atomisation croissante des relations humaines. Mais les faits démontrent à l'inverse l'écrasante domination des mentalités communautaristes sur les esprits. Le Je passe toujours par le Nous. L'autre est perçu non comme un être singulier, mais comme le membre d'une catégorie définie socialement : les pauvres, les riches, les gens bien habillés, les people, les jeunes, les vieux ; nous nous discriminons mutuellement comme les représentants d'un pays, d'une région, d'une race, d'une religion, d'un genre, d'une famille, d'une profession... Bref, chacun est désigné, évalué (admiré, détesté, jalousé, méprisé) à travers sa carte d'identité communautaire et non pas par ses attributs individuels. Les gens ne se soucient que des enveloppes ; ils sont indifférents aux lettres qui se trouvent dedans. Seul compte l'estampillage collectif car nous serons jugés uniquement à travers son prisme. Ce phénomène oblige chacun à rechercher un statut social, à appartenir à un groupe sans se préoccuper d'enrichir sa propre subjectivité et le panel de ses qualités individuelles.

Nous ne nous sommes pas débarrassés des habitudes de l'Ancien Régime

L'esprit de caste, de notabilité, de classement hiérarchique ne s'est pas effacé avec notre soi-disante modernité. Il s'est simplement déplacé vers d'autres formes de communautaris

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