« Il est illusoire d'attendre la venue d'un nouveau Keynes » (Robert Boyer)

Robert Boyer Economiste

GRAND ENTRETIEN- Pandémie, capitalisme, mondialisation, inégalités, rôle de la macroéconomie,....l'économiste Robert Boyer pointe dans son dernier ouvrage "Une discipline sans réflexivité peut-elle être une science ? Epistémologie de l'économie" (Ed. La Sorbonne) les nombreuses failles de la science économique dominante à expliquer les grande crises économique et sanitaire récentes. Figure de l'école de la régulation en France avec l'économiste Michel Aglietta, il plaide pour la création d'agora géante qui pourrait "être le terreau d'une bifurcation de la discipline économique, en particulier de sa réinsertion tant dans les sciences de la nature que dans celles de la société".

Publié le 04-02-2022 par Grégoire Normand

LA TRIBUNE- Pourquoi avez-vous décidé de vous attaquer à ce sujet dans votre dernier ouvrage ?

ROBERT BOYER- J'ai commencé à travailler comme économiste en 1967. A cette époque, je pensais qu'une discipline économique était en voie de constitution et j'espérais y participer. Elle était rigoureuse et permettait d'éclairer de façon assez précise les choix de politique économique. Rétrospectivement le keynésianisme était en effet relativement adapté à la prise en compte des compromis sociaux de l'après Seconde guerre mondiale. Ce n'est plus le cas lorsqu'apparait en 1973 le phénomène de la stagflation, soit une forte inflation malgré la chute de l'activité économique. C'était l'indice de l'entrée dans une nouvelle époque du capitalisme, hypothèse fondatrice de la théorie de la régulation, que je n'ai cessé depuis lors de travailler. De son côté la majorité des économistes a interprété cet échec comme la conséquence directe de l'absence de bases microéconomiques de la théorie générale de Keynes.

S'est imposée l'idée qu'il fallait refonder la macroéconomie sur la microéconomie. Ce n'était pas forcément une mauvaise idée, mais très vite plusieurs problèmes ont surgi tel le recours à la notion d'agent représentatif, d'anticipations rationnelles, d'équilibre structurellement stable, autant d'hypothèses intenables. Ce programme qui était au début scientifique a été utilisé, au fil du temps, comme justification des stratégies de déréglementation et de libéralisation. Pendant 30 ans, la

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