Face à la crise de la Covid-19, la solidarité pourrait compromettre l’efficacité des contrats

Stanislas Dwernicki Gide Loyrette Nouel

La crise de la covid-19 et l’état d’urgence sanitaire ont fortement impacté la stabilité de la vie des affaires, en mettant notamment à l'épreuve l'exécution de nombreux contrats : ainsi, le respect de certains délais et l’accomplissement de plusieurs prestations se sont complexifiés tandis que la capacité d’un grand nombre d’entreprises à honorer leurs dettes a été affectée. Dans ce contexte totalement inédit, les pouvoirs publics ont appelé les acteurs de la vie économique à faire preuve de « solidarité ». Si cette approche est louable sur le plan politique et moral, son extension à la sphère juridique, notamment à travers la tentation du recours au « solidarisme contractuel » dans les tribunaux, n’est pas sans présenter d’importants risques pour des pans entiers de notre économie. Par Stanislas Dwernicki, avocat associé, cabinet Gide Loyrette Nouel

Publié le 16-02-2021 par Stanislas Dwernicki, avocat associé, cabinet Gide Loyrette Nouel

Le solidarisme contractuel repose sur le postulat selon lequel deux parties à un contrat auraient des intérêts convergents qui leur imposeraient une forme d'altruisme en vue de la réalisation d'un but commun. Concrètement, il s'agit de conduire « le plus fort » à prendre en considération la situation du « plus faible » - notamment en temps de crise - et à adapter en conséquence les droits et obligations de chaque partie tout au long de l'exécution du contrat.

Dès lors, la partie « forte » pourrait être conduite, après avoir signé le contrat, à faire des concessions au profit de la partie jugée « faible » et à revoir à la baisse les avantages (notamment financiers) qu'elle espérait pouvoir en tirer. Le « solidarisme contractuel » serait donc mécaniquement et nécessairement source d'instabilité. Par manque de visibilité et de sécurité, certaines entreprises pourraient ainsi être particulièrement réticentes à s'engager vis-à-vis d'un partenaire susceptible d'être jugé plus « faible » qu'elles.

Les tribunaux, gardiens de principes moraux ?

L'opportunité du recours au solidarisme contractuel doit être examinée au regard de la place qui serait finalement laissée à la volonté des parties et la « force obligatoire » des contrats, a fortiori dans les périodes exceptionnelles comme celle que nous vivons actuellement. Le contrat ne fixerait plus « la loi applicable entre les parties » et ne serait plus l'œuvre des cocontractants : il ne deviendrait qu'une source d'obligations à « géomét

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