« Les ordolibéraux sont convaincus que l'inflation est défavorable à l'égalité dans la société » (Alexis Karklins‑Marchay)
Montée de l'inflation, retour du nationalisme et des pouvoirs autoritaires, guerre en Ukraine, tentations protectionnistes, rejet du libéralisme, l'époque actuelle offre quelques similitudes avec la crise des années 1930. A l’époque, les libéraux cherchent à refonder le libéralisme, notamment à l’occasion du colloque de Lippmann qui se tient à Paris en 1938. Déjà auteur d'un remarquable « Notre monde selon Balzac » (éditions Ellipses), l'essayiste Alexis Karklins-Marchay retrace dans « Pour un libéralisme humaniste » (*), une histoire vivante de l'ordolibéralisme qui s’opposait dès les années 1930 au « laissez-faire » autrichien et anglo-saxon et au keynésianisme, et contribua après-guerre au redressement de l'Allemagne. L'auteur franco-américain invite à (re)découvrir ses propositions dont certaines peuvent inspirer pour lutter contre les inégalités ou encore répondre aux nouveaux défis posés par le dérèglement climatique et les dommages environnementaux.
Publié le 10-06-2023 par Robert Jules
LA TRIBUNE - Dans votre livre, vous écrivez : « Les défenseurs du libéralisme doivent faire preuve de lucidité: l'opinion est tellement remontée contre ses dérives que la formulation de contre-arguments, même rationnels, ne suffit pas à le réhabiliter ». Comment expliquez-vous que l'on en soit arrivé là ? A quelles dérives faites-vous allusion ?
ALEXIS KARKLINS-MARCHAY - Le libéralisme théorisé par Friedrich Hayek et Milton Friedman, incarné politiquement par Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux Etats-Unis, et diffusé internationalement à travers le « consensus de Washington » est devenue l'idéologie dominante du libéralisme, celui du « laissez-faire » aux yeux de ses détracteurs. Malgré cela, la libéralisation des échanges depuis 50 ans a permis un développement économique exceptionnel, qui a réduit l'extrême pauvreté. Des pays du Tiers-Monde sont devenus des pays émergents. Ces faits sont documentés. Pourtant, ils sont inaudibles. Pourquoi ? D'abord certains problèmes demeurent comme les inégalités, qui sont socialement déstabilisatrices. Ensuite, à partir d'un certain niveau de prospérité, la question n'est pas de savoir si l'on va manger à sa faim mais si l'on est heureux. Car malgré la hausse des revenus, malgré les mécanismes de redistribution, nombre de personnes ont un sentiment d'insatisfaction qu'ils attribuent au libéralisme qui ne se soucierait que de rentabilité, particulièrement en France, pourtant le pays le moins libéral parmi les pays occiden
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